
Jeong dans une tasse : l'art coréen du partage à travers le thé
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Le lien dans la coupe

Le lien dans la coupe
Dimanche dernier à Zurich, je me suis retrouvé dans une galerie calme – murs blancs, lumière douce – et je me suis retrouvé face à face avec quelque chose que j’avais l’habitude de négliger : la culture coréenne.
L'exposition s'appelait 한류 ( Hallyu ) — la vague coréenne.
Des affiches de dramas que j'entendais en arrière-plan.
Des chansons K-pop qui étaient autrefois diffusées par le haut-parleur de quelqu'un d'autre.
J'avais l'habitude d'éviter les vêtements traditionnels, pensant qu'ils étaient uniquement destinés aux vacances.
À l'époque, j'étais étudiant. La culture coréenne me semblait être un devoir, pas un héritage.
Mais j’étais là, deux décennies plus tard, à des milliers de kilomètres de chez moi, regardant des inconnus se pencher vers moi, souriant, hochant la tête, reconnaissant les choses mêmes que j’avais autrefois ignorées.
Cette reconnaissance ?
Ce n’était pas une question de tendance.
Il s’agissait de connexion.
Et en Corée, la forme la plus pure de connexion n’est pas un cadeau, ni un câlin, ni même un mot.
C'est une tasse de thé.
En Corée, partager du thé n'a jamais été seulement une question de boire
Dans l'ancienne Corée, le thé était rare, voire sacré.
Non pas à cause du goût, mais à cause de ce que cela signifiait.
C'était:
Cueilli une seule fois par an, au premier souffle du printemps.
Cultivé à l'état sauvage, au plus profond des forêts de montagne intactes.
Réservé aux moines, aux rois et aux érudits.
Plus difficile à trouver que la nourriture.
Il a fallu plus de temps pour préparer que la soie.
Parfois, cela coûte plus cher que l'argent.
Vous avez bu du thé parce que quelqu'un pensait que vous méritiez ce temps.
Et quand quelqu'un vous a servi ce thé...
Ils offraient un morceau d'eux-mêmes. Leurs mains. Leur saison. Leur terre.
Nous appelons cela 정 ( Jeong ).
Un lien qui ne naît pas du sang, mais qui se construit par l’attention et qui perdure dans le temps.
Le dernier grand maître du lien
Dans une vallée tranquille de Hadong, où la brume s'accumule entre les arbres à thé comme le souffle entre les pensées, vit un homme de 82 ans.
Son nom est 박수근 (Park Soo-Geun). Il est peut-être le dernier de son espèce.
Il torréfie chaque lot de thé à la main. Neuf fois.
Il attend une année entière avant de sortir un seul pot.
Utilise uniquement des théiers coréens cultivés à l'état sauvage, chacun âgé de plus de 25 ans, dont les racines s'étendent sur 20 mètres de profondeur dans la terre intacte.
Il faut 50 kilos de feuilles fraîches pour préparer seulement 5 kilos de thé fini.
Pas de machines.
Pas de raccourcis.
Aucune aide.
Pour lui, le thé n’est pas un produit.
C'est un héritage d'efforts. Une expression vivante de 정.
Ce que vous tenez n'est pas seulement du thé
Quand quelqu'un vous verse ce thé, il ne fait pas que vous servir.
Ils te font confiance.
Ils vous invitent à tenir :
La méthode silencieuse d'un grand-père, transmise par le souffle et les os.
La patience d’une forêt, mesurée en décennies.
Le silence du feu, enveloppé dans chaque feuille enroulée.
Vous n’avez pas besoin de parler coréen.
Vous n’avez pas besoin d’être originaire de Corée.
Tout ce qui compte, c'est la coupe.
Et ce qu'il porte.
C'est le lien que nous devons protéger
Le thé sauvage coréen n’est pas une tendance.
Ce n’est pas un produit à mettre à l’échelle ni une histoire à exporter.
C'est un souvenir que vous pouvez conserver.
Un moment où la culture devient attention, où les étrangers deviennent amis.
Et cela, plus que la mode, plus que le soft power,
c'est pourquoi le thé sauvage coréen, le vrai thé, le thé fait avec 정,
c'est quelque chose qui mérite d'être rappelé.
Et quelque chose qui vaut la peine d'être protégé.